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La négociation et la conclusion d’un accord collectif à distance

Quand le changement n’est pas incrémental, l’apprentissage organisationnel se fait par la crise ( Schön et Argyris).

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La crise sanitaire aura transformé profondément les relations du travail. Les derniers réfractaires à la mise en place du télétravail ont dû s’y atteler. Allant plus loin, notre ministre du Travail, Madame Pénicaud, a invité les partenaires sociaux à « télé-négocier et télé-conclure » les accords collectifs.

Il faut admettre que les ordonnances du 26 mars 2020 permettant aux entreprises de déroger aux règles sur les durées maximales de travail, de repos et de congés payés, sont l’occasion d’entrer dans une nouvelle ère du dialogue social : celle du digital.

La négociation d’un accord collectif à distance

En cette période de confinement, les sujets du dialogue social ne manquent pas (chômage partiel, formation, CET, durées de travail, temps de travail et de repos et congés payés). Pour négocier, l’employeur peut convoquer les partenaires sociaux en présentiel. En effet, la réunion peut se tenir au sein de l’établissement selon les modalités habituelles sous réserve du respect des mesures de prévention et de toutes les préconisations du Ministère de la santé.

Néanmoins, il est fortement recommandé de « télé-négocier ». Conformément au principe de loyauté, tous les syndicats représentatifs doivent être invités à la négociation et participer à toutes les étapes essentielles de la négociation. A cet effet, il est indispensable que les représentants de salariés puissent se connecter et débattre en présence de toutes les parties prenantes sous peine de nullité de l’accord collectif.

La « télé-négociation » n’est pas une nouveauté dans les relations sociales. En effet, le Code du travail prévoyait déjà qu’au moins trois consultations du comité économique et social pouvaient se réaliser à distance [1]. Le dispositif devait garantir la participation effective des élus du personnel en assurant la retransmission continue et simultanée du son et de l’image des délibérations [2]. La télé-négociation se pratique déjà dans certaines entreprises à travers la mise en place de réseau sociaux d’entreprise comme le « Digilab Social » à la SNCF.

Ainsi, pour permettre la continuité du dialogue social, toutes les négociations peuvent se tenir à distance par vidéoconférence ou par audioconférence. Sur les moyens existants, les entreprises peuvent utiliser leur réseau social d’entreprise (intranet) ou des applications externes [3].
Quel que soit l’outil utilisé, l’entreprise doit s’assurer du respect des principes du règlement général de la protection des données (consentement, droit de regard, droit d’accès, droit de rectification, possibilité d’opposition, sécurité, confidentialité, finalité, proportionnalité, durée de conservation limitée…).

Les règles de conclusion d’un accord collectif à distance

Les règles de conclusion d’un accord collectif demeurent les mêmes. Il faut la signature de l’accord par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives (OSR) au premier tour des dernières élections des titulaires du comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. A défaut d’une signature majoritaire, l’accord peut être majoritaire s’il est signé par des OSR ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles, sous réserve de son approbation par la majorité des salariés des établissements couverts par l’accord des électeurs [4].

Si le vote est organisé par voie électronique, le système retenu doit assurer la confidentialité des données transmises ainsi que la sécurité des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes [5].

L’engagement des délibérations est subordonné à la vérification que l’ensemble des membres a accès aux moyens techniques. En effet, télé-conclure implique idéalement la mise en place d’une signature électronique [6]. Il faut noter que l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous condition d’identifier la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. Lorsque la signature est électronique, l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache est obligatoire. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie.

Ainsi, pour faire signer ces accords collectifs électroniquement, plusieurs prestataires existent dont Yousignet, Docusign qui permettent d’authentifier les signatures. Comme pour la négociation des accords ou la consultation du CSE, les DRH doivent s’assurer du respect du RGPD.

Néanmoins, compte tenu du coût, la signature manuelle a été autorisée par le Ministère du Travail. Chaque partie prenante signe puis transmet, soit en version numérisée ou par voie postale, à toutes les parties pour que celles-ci signent le même document.

Il est également possible que les syndicats se donnent mandat pour qu’un seul signe au nom d’un ou plusieurs. S’il est matériellement impossible d’avoir l’accord collectif sur un document unique, il faut autant d’exemplaires que de signataires.

Pour les autres entreprises, soit dépourvues de délégués syndicaux soit dépourvues d’instances représentatives du personnel, ou lorsque l’accord signé est minoritaire, un dispositif électronique de recueil de l’approbation des salariés à distance peut être mis en place. Le dispositif doit garantir l’émargement du salarié et la confidentialité du vote.

Ces « télé-accords » pourront être déposés par voie électronique à la DIRRECTE via la télé-procédure : https://www.teleaccords.travail-emp…

Afin que l’accord soit enregistré en priorité, il faut mentionner en objet du mail « accord ordonnances Covid-19 ». Le dépôt doit s’accompagner des pièces habituelles, c’est à dire d’une version PDF de l’accord signé « ou une version de l’ensemble des exemplaires signés par chacune des parties s’il n’a pas été possible de faire figurer l’ensemble des signataires sur le même exemplaire » ainsi que la notification aux OSR. Le dépôt papier de l’accord original pourra être fait ultérieurement [7].

Si les digital natives sont habitués à la mobiquité, il n’est pas certain que toutes les entreprises se soient dotées d’outils sécurisés et efficaces pour mettre en place les nouveaux processus rapidement. En tout état de cause, face à un environnement VUCA, les entreprises doivent rester vigilantes au respect du règlement général de la protection des données.

Notes :

[1] C ; Trav, art. L. 2315-4.

[2] C, trav., art., D. 2315-1.

[3] Microsoft Teams ; whereby.com, « Skype entreprise » , « Zoom » « ClickMeeting » ou encore « EyesOn ».

[4] C., trav. Art. L2232-12.

[5] C. trav, art., D. 2315-1.

[6] C.,civ, art.1366 et suivants.

[7] Questions réponses du Ministère du travail « Covid-19 ».

https://www.village-justice.com/articles/negociation-conclusion-accord-collectif-distance,34648.html?utm_source=backend&utm_medium=RSS&utm_campaign=RSS

 

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